Un vent de fermeté souffle sur les relations entre le Gabon et le groupe minier français ERAMET. En cause, la volonté affirmée de Libreville de mettre un terme, dès 2029, à l’exportation de manganèse brut. Une décision stratégique, inscrite dans la logique de transformation locale des ressources, qui marque un tournant dans la politique industrielle du pays. Si cette orientation est largement saluée à l’échelle nationale, elle heurte de front les intérêts du géant français, dont la présidente, Christel Bories, n’a pas caché son hostilité.
Intervenant sur Boursorama, la dirigeante d’ERAMET a exprimé des doutes appuyés sur la capacité du Gabon à assumer cette mutation industrielle, évoquant notamment des déficits en matière d’infrastructures et d’énergie. Allant jusqu’à suggérer que le pays pourrait compromettre ses propres intérêts, elle a provoqué une vive réaction du Syndicat des travailleurs des industries minière et métallurgique (STRIMM), qui y voit un discours empreint de condescendance et de relents néocoloniaux.
Le STRIMM, par la voix de son Secrétaire général Joscelain Lebama, dénonce une entreprise qui, depuis des décennies, tire profit des ressources nationales sans contribuer significativement à leur valorisation sur place. Pour le syndicat, il ne s’agit plus de débattre d’une orientation mais d’en garantir la mise en œuvre, dans le respect de la souveraineté du pays. Ce projet porté par les autorités de transition s’inscrit, selon lui, dans une rupture assumée avec les logiques extractivistes qui ont longtemps prévalu.
Ce bras de fer entre un État africain et une multinationale s’inscrit dans un mouvement plus large. Plusieurs pays du Sud, du Zimbabwe à l’Indonésie en passant par la RDC, imposent désormais une transformation locale de leurs minerais stratégiques. Deuxième producteur mondial de manganèse, le Gabon revendique lui aussi sa place dans cette reconfiguration des rapports économiques. L’heure n’est plus à l’exportation de matières premières brutes, mais à la montée en puissance d’un tissu industriel national.
Le STRIMM appelle ERAMET à clarifier sa position : soit elle accompagne cette ambition en investissant sur le territoire gabonais, soit elle laisse place à des partenaires prêts à établir une relation plus équilibrée. Dans ce contexte de transition mondiale, où les attentes sociales, environnementales et économiques se croisent, les grandes entreprises ne peuvent plus se réfugier derrière des postures. C’est désormais leur capacité à s’adapter à ces nouvelles exigences qui déterminera leur légitimité. Le syndicat, quant à lui, s’affirme comme un acteur politique à part entière, résolu à peser sur les choix qui façonneront l’avenir du Gabon et, au-delà, celui du continent africain.