Le paysage politique gabonais s’apprête à vivre un profond bouleversement. L’Assemblée nationale a adopté, mardi dernier, un projet de loi instaurant de nouvelles conditions d’existence pour les partis politiques. Parmi les mesures phares, l’exigence d’au moins 12 000 adhérents dûment identifiés par un Numéro d’Identification Personnel (NIP) pour toute formation souhaitant obtenir l’agrément du ministère de l’Intérieur. Un seuil qui marque une inflexion nette dans la volonté des autorités de rationaliser un environnement partisan souvent jugé pléthorique.
Porté par la Commission des lois, des affaires administratives et des droits de l’Homme, le texte a recueilli 59 voix favorables, contre 7 oppositions et 3 abstentions. Il doit encore franchir l’étape du Sénat pour être définitivement entériné. Mais son adoption à l’Assemblée laisse peu de doute sur l’orientation prise par l’exécutif : encadrer plus strictement la vie politique et en finir avec les partis de circonstance, souvent déconnectés des réalités du terrain.
Cette réforme, si elle répond à une demande de structuration, n’est pas sans soulever de vives inquiétudes. Pour nombre de formations politiques, y compris parmi les plus établies, atteindre le seuil requis d’adhésions NIP risque de relever de l’exploit, notamment dans les zones rurales où les opérations d’enrôlement restent inégalement suivies. La mesure pourrait ainsi exclure de la compétition démocratique une part non négligeable des acteurs traditionnels, tout en consolidant les positions des partis les mieux structurés.
Autre nouveauté contestée : l’obligation pour chaque parti de justifier d’un compte bancaire fonctionnel. Dans un contexte où la transparence financière reste une pratique encore marginale, cette disposition pourrait provoquer des blocages, entre frilosité administrative et crainte d’une exposition jugée excessive. Ce verrou supplémentaire laisse présager une réduction drastique du nombre de formations, faute de conformité aux nouvelles règles.
Enfin, l’exigence de participation effective aux scrutins, doublée d’une injonction implicite à la performance électorale, achève de dessiner les contours d’un système plus exigeant, où seuls les partis capables de se regrouper, de s’organiser et de convaincre auront voix au chapitre. Pour les autres, le choix sera clair : disparaître ou fusionner. Une recomposition du paysage semble désormais inéluctable.