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samedi, août 2, 2025

L’Himalaya a perdu son sommet !

Les pelleteuses ont eu raison de l’un des lieux les plus fréquentés et symboliques de Libreville : l’Himalaya, carrefour commercial et social du quartier Nzeng-Ayong, a été totalement démoli en moins de 48 heures. Cette intervention, lancée par la mairie centrale le 31 juillet dernier, s’inscrit dans une série d’opérations engagées par la municipalité pour rétablir l’ordre urbain, après des actions similaires menées notamment au PK 11. Les bâtiments visés, pour la plupart des constructions précaires, étaient depuis plusieurs semaines marqués d’inscriptions officielles ordonnant leur démolition immédiate.

Malgré les multiples alertes adressées aux occupants, certains avaient choisi de rester, espérant un sursis. Les engins ont fini par imposer la décision municipale, contraignant commerçants et habitants à quitter les lieux dans l’urgence. Le maire de Libreville, Adrien Nguema Mba, avait pourtant effectué plusieurs descentes sur le terrain, accompagné de ses équipes, pour sensibiliser les riverains sur les risques liés à l’occupation anarchique du domaine public, en particulier dans cette zone sensible sur le plan de la sécurité et de la salubrité. Le message, répété à plusieurs reprises, n’a pas suffi à convaincre tout le monde.

Cette opération, bien que légale et anticipée par la municipalité, laisse un goût amer à de nombreux habitants. Le carrefour de l’Himalaya n’était pas seulement un point de passage ; c’était un lieu de sociabilité, un espace économique vital pour des familles vivant souvent au jour le jour. Plusieurs dénoncent une méthode brutale, appliquée sans véritable accompagnement social. « Ce n’est pas la première fois que des démolitions touchent la zone. Déjà pendant les travaux du canal pluvial, des maisons et commerces ont été rasés », rappelle un riverain, pointant une accumulation de décisions perçues comme déconnectées de la réalité locale.

Sur le terrain, les avis sont partagés. Si certains regrettent la perte d’un espace de vie, d’autres saluent l’action municipale. Ils évoquent des années de désordre, d’insécurité, de nuisances nocturnes et d’agressions qui rendaient ce carrefour difficilement praticable, surtout en soirée. « C’était devenu invivable. On ne pouvait plus circuler ni se sentir en sécurité. Il fallait faire quelque chose », souligne un usager régulier de l’axe reliant Nzeng-Ayong à Nkembo. Le rétablissement de l’autorité de l’État et la récupération de l’espace public semblent, pour une partie de la population, répondre à une exigence d’ordre longtemps attendue.

Mais en toile de fond, c’est l’absence d’alternatives qui suscite l’indignation. Aucun plan de relogement ou d’accompagnement économique n’a été présenté pour les personnes affectées. Cette situation, combinée à la montée des loyers à Libreville, pourrait aggraver la précarité de centaines de familles. Le cas de Nzeng-Ayong révèle ainsi une tension persistante entre modernisation urbaine et réalité sociale. Pour beaucoup, il ne suffit pas de casser pour reconstruire : la ville devra inventer une approche plus humaine de sa transformation, sous peine de creuser un peu plus les fractures qu’elle prétend réparer.

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