Le kévazingo, ce bois précieux au cœur d’un scandale en 2019, fait un retour remarqué sur la scène économique gabonaise. La récente décision du gouvernement de transition, autorisant à nouveau son exploitation, réveille les craintes écologiques et pourrait bien relancer le marché noir. Alors que le pays est tiraillé entre la manne financière potentielle et la menace pour sa biodiversité, cette nouvelle réglementation soulève des questions cruciales sur l’avenir environnemental du Gabon.
Cette décision, annoncée lors du Conseil des ministres du 31 août, marque un virage important dans la politique environnementale du pays. Jadis protégée sous l’ère Ali Bongo pour contrer un trafic grandissant, l’exploitation du kévazingo est désormais autorisée, mais sous des conditions strictes. Le décret encadrant cette reprise, soutenu par le ministère des Eaux et Forêts, impose une gestion durable des concessions et une traçabilité rigoureuse grâce à un système de géoréférencement.
Le kévazingo, prisé pour sa rareté et sa qualité, est surtout convoité en Asie pour la fabrication de meubles de luxe. Son potentiel économique est indéniable, avec un mètre cube pouvant atteindre 3000 euros sur le marché international. Cependant, cette exploitation pose un dilemme de taille : comment concilier le développement économique avec la préservation d’une espèce menacée? La réponse à cette question réside dans l’efficacité des mesures de contrôle mises en place par les autorités.
Le spectre du scandale du « Kévazingogate » de 2019 plane toujours sur ce dossier. La disparition de centaines de conteneurs de kévazingo, révélant un système de corruption endémique, avait marqué les esprits et entraîné des limogeages au sommet de l’État. Le récent incident de novembre 2023, où des conteneurs de kévazingo ont été découverts illégalement stockés, démontre que le commerce illégal persiste malgré les interdictions.
Pour encadrer cette reprise, le gouvernement impose plusieurs conditions : un permis CITES est désormais obligatoire pour l’exportation des produits finis, et chaque arbre abattu sera suivi grâce au géoréférencement. De plus, l’accent est mis sur la transformation locale afin d’ajouter de la valeur au produit fini. Ces mesures, bien que strictes, seront-elles suffisantes pour contrer la résurgence du marché noir?
L’autorisation sous conditions de l’exploitation du kévazingo est un test pour la gestion des ressources naturelles du Gabon. Le pays, riche en biodiversité, doit trouver un équilibre délicat entre ses ambitions économiques et la préservation de son environnement. Le succès de cette initiative dépendra non seulement de la rigueur dans l’application des régulations, mais aussi de la capacité du gouvernement à résister aux pressions du marché noir. L’avenir du kévazingo et de la forêt gabonaise est désormais entre les mains de la junte militaire, chargée de définir la vision écologique et économique du pays.