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mercredi, mai 14, 2025

Ike Ngouoni brise le silence : l’envers du décor de l’opération « Scorpion »

Ancien porte-parole de la présidence gabonaise et membre influent de l’Association des Jeunes Émergents Volontaires (AJEV), Ike Ngouoni est sorti de son mutisme. Son récent témoignage sur son arrestation dans le cadre de l’opération anti-corruption « Scorpion » révèle une autre lecture de ce coup de filet qui avait secoué le sommet de l’Etat en 2019. Présentée à l’époque comme une vaste campagne d’assainissement des finances publiques, cette opération s’apparente, selon lui, à une entreprise de déstabilisation ciblant un groupe de réformateurs jugés trop pressants.

Devant la presse, Ike Ngouoni n’a pas cherché à arrondir les angles. Il a rejeté en bloc les accusations de détournements et de corruption qui ont visé son groupe, les « Blas Boys ». Il dénonce une machination orchestrée pour briser une équipe qui portait des réformes structurelles. « Tout ce qui a été dit sur nous est mensonger. Nous avons servi l’Etat avec dévouement dans un contexte difficile. » Les faits qu’il avance sont datés : réduction du gouvernement à 18 membres en janvier 2019, diminution de 40% du personnel nommé à la Présidence, compression des cabinets ministériels et reprise en main de la SEEG pour endiguer la dégradation des services d’eau et d’électricité.

Ces mesures, que certains avaient perçues comme un signal de rigueur inédit, semblent avoir suscité des résistances au sein même de l’appareil d’Etat. Ike Ngouoni affirme que des forces conservatrices, opposées à toute mutation, ont activé leurs réseaux pour obtenir la mise à l’écart de son groupe. « Nous avons été combattus de l’intérieur par ceux qui vivaient du statu quo », assure-t-il. Cette lutte interne aurait ainsi trouvé son aboutissement dans l’opération « Scorpion », présentée au grand public comme un sursaut moral mais perçue par l’intéressé comme une chasse aux têtes.

La dénonciation d’Ike Ngouoni renvoie à une autre interrogation : pourquoi son groupe a-t-il porté seul le fardeau des turpitudes du régime ? L’ex-porte-parole s’étonne de voir d’anciens barons du pouvoir, restés en poste pendant des décennies, s’en sortir indemnes et même s’improviser hérauts du changement. « Ceux qui signaient les décrets avec nous se présentent aujourd’hui comme des vierges effarouchées », s’indigne-t-il. Cette répartition asymétrique des responsabilités interpelle sur les règles de reddition des comptes et les non-dits de la transition politique amorcée depuis l’éviction d’Ali Bongo Ondimba.

En filigrane, son récit met en lumière une réalité souvent occultée : la difficulté de réformer une administration gangrenée par des réflexes de rente. Le combat des « Blas Boys », loin de n’être qu’un simple conflit de clans, illustrerait le dilemme de tout pouvoir cherchant à moderniser l’Etat sans heurter des intérêts solidement enracinés.

Libre mais marqué par ses deux années de détention, Ike Ngouoni reste discret sur ses ambitions. Mais sa prise de parole ouvre un débat sur la sincérité des initiatives anticorruption et sur la capacité réelle du Gabon à tourner la page des procédés opaques. Derriere l’opération « Scorpion », c’est tout le fonctionnement du système qui se trouve questionné.

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