Cela donne tout l’air d’être un baroud d’honneur le leader du RPM qui se rêve en porte-flambeau de l’opposition gabonaise en août 2023 face au candidat du PDG lors de la présidentielle. Mais c’était sans compter sur la capacité de la présidente d’une des factions de l’Union Nationale à jouer les trouble-fêtes. Ce mardi 3 janvier, une partie de l’opposition gabonaise a porté sur les fonts baptismaux un nouveau regroupement baptisé Plate-forme alternance 2023. Et c’est Paulette Missambo, leader de l’UN, qui a été désignée pour la présider. Officiellement, cette plate-forme affiche 42 membres. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas vraiment le cas.
« Dans le cadre du combat pour la transparence électorale, j’ai été élue à l’unanimité présidente de cette plateforme », déclarait fièrement, Paulette Missambo.
En réalité, cette annonce a une visée beaucoup plus médiatique que politique. « C’est un joli coup de com. Ce que l’on voit sur le devant de la scène semble attirant. Mais, à y regarder de près, si l’on jette un œil à l’arrière-boutique, les choses sont moins reluisantes », indique un expert de la vie politique gabonaise.
Premièrement, il y a ce chiffre : 42 organisations membres de la coalition. De prime abord, ça peut sembler impressionnant. Le hic : la grande majorité de ces organisations, un savant fourre-tout, autrement dit des organisations disparates (groupuscules politiques, petites associations, etc.) sont pour la plupart des coquilles vides. « L’UN est l’arbre qui cache le… désert », ironise un opposant qui a pris part aux premiers échanges avant de se retirer.
De plus, ces organisations, toutes réunies, n’ont aucune réelle représentativité. La plupart de ces 42 organisations n’ont qu’une poignée de membres. Et dans la cohorte des noms égrainés, on ne compte que 2 députés : Dakure Davain (Les Démocrates) et celui du canton Ellelem, Edgard Owono Ndong, du RPM de Barro Chambrier.
Enfin et peut être surtout, la composition de cette plate-forme est, pour l’opposition, un aveu d’échec. Alors que celle-ci cherche à s’unir en vue de la présidentielle de 2023, rêvant de rééditer le coup de Jean Ping en 2016, elle ne compte dans ses rangs, à l’exclusion de Paulette Missambo, aucun des principaux prétendants de cette famille politique à l’élection présidentielle.
Ni Barro Chambrier, ni Jean Ping, ni Guy Nzouba-Ndama, ni Paul-Marie Gondjout, ni Mike Jocktane n’en sont membres. « Politiquement, l’annonce de la naissance de cette plate-forme est un non-événement », raille un fidèle du leader de la CNR. Il faut dire que pour éviter l’affront de ne pas être portés à la tête de cette plateforme, Alexandre Barro Chambrier et Guy Nzouba Ndama ont préféré se faire représenter. Quant au candidat malheureux Jean Ping, il se considère toujours comme le patron de l’opposition et cette tentative de « putsch » de Paulette Missambo et ses affidées serait purement un crime de lèse-majesté.
Toutefois, on retrouve dans l’organigramme les noms de Séraphin Akure Davain, le président du groupe Les Démocrates à l’Assemblée nationale, ou encore de Edgard Owono Ndong du RPM. Mais, leurs formations politiques respectives n’hésitent pas à préciser que : « la participation à cette plateforme est le fait de décisions individuelles qui n’engagent pas le parti dont ces personnes sont membres ».
Voilà pour la version officielle. Officieusement, il se susurre que les représentants des partis dont les candidats à la présidentielle sont déjà connus seraient des « taupes » venues espionner de l’intérieur la plate-forme pour le compte de leur leader… Histoire de garder un coup d’avance.
Ainsi, cette plate-forme aurait-elle vraiment des chances de prospérer ? Nombre d’observateurs en doutent. « Les intérêts au sein de l’opposition gabonaise sont trop divergents. En l’espèce, cette plate-forme apparait davantage comme un marchepied pour Paulette Missambo, un outil de promotion pour pouvoir imposer son leadership au reste de l’opposition en vue de la présidentielle de 2023. Le problème, c’est que, soupçonnant cet agenda caché, aucun autre leader ne la ralliera ; Ni Ping, ni Barro Chambrier, ni personne d’autres », analyse un professeur en Science politique de l’UOB.
« Tout ça apparait très précipité. Comme si Paulette Missambo voulait prendre de vitesses ses concurrents pour leur couper l’herbe sous le pied », commente un autre. « Du coup, ça fait un peu brouillon. Comme si la copie était bâclée ».
Ce nouveau bloc de l’opposition ne serait donc, au final, qu’un énième feu de paille. En voulant apparaître plus flatteuse qu’elle ne l’était, elle a fini par… imploser. Une leçon que Paulette Missambo et les siens vont très vite apprendre à leur dépens.