24.3 C
Libreville
samedi, juin 28, 2025

Gabon : Henri-Claude Oyima peut-il refermer le chapitre de l’État-actionnaire ?

Le Gabon est-il prêt à tourner la page de l’État-actionnaire ? Cette doctrine, héritée des premières décennies post-indépendance, a longtemps structuré l’économie nationale. Dans une logique d’émancipation et sous l’influence du modèle colbertiste, l’État s’est imposé comme acteur central dans les secteurs clés : banques, énergie, télécoms, infrastructures. Mais aujourd’hui, ce schéma pèse plus qu’il ne propulse. Le système, devenu hybride et opaque, semble piégé dans ses contradictions : l’État conserve des participations massives sans en récolter ni profits durables ni véritable pouvoir d’orientation stratégique.

Le constat est sans appel. En 2023, moins d’un cinquième des entreprises à participation publique ont reversé un dividende à l’État. Et ce, malgré plus de 100 milliards de FCFA injectés chaque année en subventions et recapitalisations. Le retour sur investissement frôle l’absurde : les finances publiques soutiennent à bout de bras des entités déficitaires, gangrenées par des pratiques de gestion approximatives, des contrôles quasi inexistants et des nominations guidées par des logiques d’allégeance plus que de compétence.

Henri Claude Oyima, nommé à la tête du ministère des Finances, incarne une volonté de remettre de l’ordre. Il plaide pour une rationalisation des participations de l’État, impose des exigences de transparence et tente de redonner de la vigueur à la DGPAR, l’organe chargé du portefeuille public. Le communiqué du 16 mai 2025, enjoignant les entreprises concernées à transmettre des documents de gestion, traduit un effort de mise en conformité. Pourtant, les signaux d’un désengagement réel restent faibles. Les outils d’évaluation restent embryonnaires, les arbitrages politiques flous, et les résistances internes bien ancrées.

Car derrière le vernis des réformes, c’est tout un écosystème qu’il faudrait désinstaller. Celui d’un capitalisme d’État devenu instrument de rente, terrain de récompense politique, ou simple filet social déguisé. Les entreprises publiques servent encore de refuge à des clientèles, et toute tentative de privatisation se heurte à des intérêts consolidés. Rompre avec cette logique exigerait non seulement des cessions d’actifs, mais aussi une refonte des règles de gouvernance, des critères de performance et une transparence sur les véritables bénéficiaires de ces structures.

Henri Claude Oyima a le profil pour porter une telle rupture. Son expertise est reconnue, son autorité politique renforcée. Mais sans clarification de la stratégie de l’État en matière de participations — qu’attend-on réellement de ces entreprises en matière de rendement, d’influence, d’impact industriel ? —, la réforme restera incantatoire. Et tant que cette clarification n’aura pas lieu, la figure de l’État-actionnaire, aussi essoufflée soit-elle, continuera de hanter l’économie gabonaise.

Derniers articles
Articles similaires

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici