L’ambition était claire : redonner du lustre au boulevard de l’Indépendance en érigeant une esplanade à la hauteur de son importance historique. Le projet, confié à l’entreprise gabonaise Architectures Mauro et Technologies (AM&T Sarl), incarnait un tournant symbolique dans la commande publique. Pourtant, malgré un financement intégral déjà déboursé par l’État, le chantier s’éternise et le calendrier initial semble relégué aux oubliettes.
Cette opération devait illustrer la nouvelle orientation impulsée par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, soucieux de confier davantage de marchés aux entreprises nationales. En confiant l’exécution de ce projet à AM&T, dirigée par le Gabonais Erichk Mauro, le chef de l’État entendait responsabiliser les opérateurs locaux, tout en leur offrant les moyens de démontrer leur savoir-faire. En guise de confiance, le paiement a été presque intégralement effectué en amont – une dérogation significative à la règle habituelle, qui prévoit un versement progressif selon l’avancement des travaux.

Mais à Libreville, les riverains constatent chaque jour le décalage entre les intentions affichées et la réalité du terrain. Les interruptions à répétition et le rythme poussif des travaux alimentent les critiques. Le mécontentement monte dans l’opinion, d’autant que cette initiative devait, à l’origine, être livrée avant la fête nationale du 17 août, un rendez-vous symbolique souvent marqué par des inaugurations d’infrastructures. L’impatience se mêle désormais à la déception.
Ce retard ne compromet pas seulement la crédibilité d’un entrepreneur ou d’un chantier. Il met aussi en question l’efficacité d’une stratégie politique visant à redonner aux entreprises locales la place qui leur revient. Alors que l’État gabonais tente de bâtir une économie plus souveraine et moins dépendante de prestataires étrangers, la réussite de telles opérations devient un indicateur du sérieux et de la maturité des acteurs nationaux.
Plus largement, ce chantier soulève une question de fond pour les autorités de la Vᵉ République : comment conjuguer patriotisme économique et exigence opérationnelle ? Valoriser les compétences nationales est un objectif légitime, mais il appelle à une rigueur sans compromis. La confiance accordée aux entreprises locales n’a de sens que si elle s’accompagne d’un engagement total en matière de qualité, de délais et de responsabilité.