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mercredi, août 6, 2025

Brice Laccruche Alihanga, embastillé pour avoir dit Non au prince qui se rêvait en roi du Gabon

Écarté brutalement du pouvoir en 2019, Brice Laccruche Alihanga vient de rompre un silence de près de quatre ans. L’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba s’est exprimé, le 4 août 2025, dans un entretien exclusif accordé à TV5Monde. Devant les caméras, l’ex-haut fonctionnaire a livré sa version des faits, en rupture nette avec les récits officiels sur la fin de règne d’Ali Bongo. Son témoignage, calibré et visiblement préparé, s’inscrit dans un contexte politique national marqué par une recomposition des forces et une quête de légitimité institutionnelle.

Selon Laccruche Alihanga, tout bascule lorsqu’il refuse d’adhérer au projet de succession de Noureddin Bongo Valentin, fils du président. Il évoque une pression exercée en coulisses pour appuyer cette ambition dynastique. Son refus, formulé en privé, aurait scellé sa chute. Peu après, il est arrêté, détenu dans des conditions extrêmes et, selon ses propos, délibérément isolé du monde extérieur. À sa libération en 2023, il pèse 40 kg de moins et affirme souffrir d’un cancer du côlon. L’ancien proche du pouvoir dépeint un système répressif qui punissait la dissidence à l’intérieur même du cercle présidentiel.

L’entretien contient également des révélations troublantes. Brice Laccruche rapporte une scène où Yan Goulou, bras droit de Noureddin Bongo, lui aurait tenu des propos humiliants dans sa cellule : « J’habite ta maison, je porte tes vêtements, et après les élections, tu prendras 25 à 30 ans, c’est décidé. » Ces déclarations, si elles sont exactes, jettent une lumière crue sur une stratégie d’élimination politique reposant sur l’intimidation, l’instrumentalisation de la justice et l’appropriation des biens de l’adversaire. Des accusations lourdes, que les personnes citées n’ont pas encore publiquement contestées.

Brice Laccruche ne se présente pas comme un opposant classique. Il a été nommé récemment conseiller stratégique de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), une formation politique qui se veut hors des circuits traditionnels. Il met en avant une génération renouvelée et insiste sur le fait que 95 % des cadres du parti sont issus de la société civile. Il appelle à une justice politique sélective mais non revancharde, qui jugerait les faits, et non les fidélités passées. Sa démarche, teintée d’autocritique, semble viser une réhabilitation dans l’espace public sans tentative de retour précipité aux premières loges du pouvoir.

Cette prise de parole intervient à quelques semaines d’élections législatives et locales décisives. Le paysage politique gabonais reste fracturé, entre ancien régime déchu et nouvelles ambitions. Dans ce contexte mouvant, le retour de Brice Laccruche Alihanga agit comme un révélateur : témoin de l’intérieur, il met en cause les pratiques d’un pouvoir qu’il a longtemps servi. Sa voix, qui dérange autant qu’elle intrigue, s’invite dans un débat longtemps évité — celui des responsabilités individuelles dans l’effondrement d’un système. Et rappelle que le passé, même écarté, peut ressurgir au moment où s’écrit une nouvelle page.

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